vendredi 5 septembre 2014

C'est un peu la triche

 
     Bon cette photo de rentrée, tradition familiale, ne date pas du jour de la rentrée mais du lendemain. Je m'explique. Depuis cet été, Nils savait qu'il ne serait pas avec ses copains, tous dans l'autre CE2, et surtout son grand copain Thomas. Il avait encaissé, puis nous étions passés à autre chose. La dernière semaine, il s'était motivé, auto-persuadé ... "Thomas je le verrai à la récré et à la cantine ... ah oui, aux activités aussi." Un véritable travail sur lui-même, pour tous ceux qui connaissent mon petit loup. "Et puis, tu sais maman, la rentrée c'est un jour comme les autres ...". Il avait même confié à son père "vous me laissez à la grille et puis vous ne restez pas longtemps, ça sera moins dur !".
     Jour de la rentrée ... lever bon pied, bon œil ... je garde en mémoire la rentrée de l'année dernière qui a été si pénible : mal de bidon pendant plus d'une semaine, larmes aux yeux mais une dignité qui m'arrachait le cœur. Alors ce mardi matin, je me disais que mon fils grandissait, que des progrès  énormes étaient réalisés, que tous ces mauvais moments ne seraient plus que de mauvais souvenirs ... que tout était possible, enfin ! Mais la porte de la maison franchie, appareil photo en main, j'ai vu mon bonhomme se décomposer, j'ai senti l'angoisse monter, mon cœur se fendre et cette petite voix qui m'a chuchotée "eh, merde !". Doucement, discrètement j'ai glissé mon appareil photo dans mon sac, et n'ai rien dit.  Son PaPa Ours a bien essayé les vieux trucs : une petite course pour détendre l'atmosphère. La copine Garance, croisée en chemin, toujours dynamique et pimpante, n'a pu lui décrocher un sourire. Arrivés dans la cour, bordel monstrueux, difficile de lâcher mon Nils comme il nous l'avait demandé. Entre deux larmes, tant retenues sur la route, il parvient à me glisser "Tu peux dire à la maîtresse que je suis très timide" ... mon cœur fond, mes yeux me piquent mais j'ai quarante ans moi ! J'explique les angoisses de Nils à la maîtresse, visiblement déjà au courant. Mais alors si tout le monde sait dans cette école, pourquoi s'être acharné à le séparer de tous ses copains, lui qui a tellement besoin de repères. Je quitte un Nils tout penaud dans son rang, c'est dur très dur. Je sors de l'école et m'effondre. Soutenue par mon chéri et d'autres mamans qui ont connu la même chose, je me raisonne. Olivier attrape son bus, je rentre seule à la maison ... je n'ai cours que l'après-midi. Dans ces cas-là que fait-on du haut de ses quarante ans : on appelle sa maman, bien sûr. Je pars plus tard pour le lycée et dois récupérer Nils pour 16h30. J'attends l'heure, impatiente et angoissée. Je me dis que la soirée va être rude et qu'il faudra remettre ça le lendemain et jusqu'à quand ???
     A 16h30, je récupère un Nils tout sourire, ravi de sa journée. La maîtresse sourit (ça change), la maîtresse elle fait des blagues (hein ???), la maîtresse elle rigole à nos blagues si ça ne fait pas le bazar (???), et puis "tu sais maman, j'ai retrouvé Paul, un copain de centre aéré" (mais Nils ça fait deux ans que tu n'as pas mis les pieds au centre aéré !) et puis blablabla et reblablabla ... je ne me lasse pas de l'écouter même quand il raconte sa journée au téléphone à son père, et puis encore à mamie Framboise, et qu'il enchaîne avec papi Boon et mamie Betty ... Je sens tout mon corps qui se détend, je l'écoute, je souris et je suis fière.
     La photo a donc été prise le lendemain, le cœur léger et une reconnaissance éternelle pour cette nouvelle maîtresse qui sourit, fait des blagues et rigole à celles de ses élèves.